C’est l’histoire d’un groupe de spéléos, venant d’une contrée par là-bas, entre l’Hérault et le Gard, qui ont décidé, avec les spéléos locaux, de s’attaquer à un lac. Mieux : tenter une excursion dans un siphon probable…
Connaissez-vous le « Gang des Niphargus Déchaînés » ? (https://gnd.catdiver.fr/index.php/2025/03/03/week-end-courniou-1-2-mars-2025/) Ben c’est le groupe qui est venu à Courniou nous épauler, à notre demande. Un groupe récemment créé et affilié à la FFS. Des personnes d’une très grande simplicité. On va en reparler…
Tout d’abord, je voudrais remercier le groupe du GND pour être venu (c’est Romain du SRSASR qui les a contacté). Je veux mettre en lumière le travail que peut accomplir un plongeur spéléo comme Nicolas, car plonger un siphon n’est pas une partie de « golf » ; il faut savoir que la moindre erreur peut avoir des conséquences irréparables, pour utiliser un euphémisme. La spéléo-plongée est l’une des activités les plus dangereuses qui soit…
Après avoir lu et relu la mise à jour du CR de 2017 (C. Raynaud, D. Matarin, P. Cabrol), je voyais bien que cette cavité, malgré le pillage de 79, renfermait encore des mystères, et probablement des gros ! [.7 Études et/ou travail à poursuivre : Il faudrait poursuivre les explorations (désobstructions) vers l’aval. Cela risque d’être un gros travail, mais le drain principal ne doit pas être loin. Possibilité de pénétrer dans le grand réseau principal Thoré/résurgence d’Usclats.].
Depuis quelques années, cette jolie grotte, que nous utilisions pour les initiations, perturbait mon esprit… Et un jour (les dates se trouvent dans les CR), bardé d’une Fenix de 10 000 lumens (de vrais lumens), au fond du lac final (après l’aval), j’aperçus comme du « noir », un tout petit espace entre l’eau et le plafond - « Merde, le lac continue ! » Et depuis, je n’ai eu de cesse d’avoir envie de me jeter à l’eau pour voir ce qu’il pourrait y avoir plus loin…
Une équipe se forme : nous sommes quatre : Julien et ma pomme (SCMNE), Romain du SRSASR et Mika de l’AMES. (Voir le « LAC DES TROIS ».) Et là, alors que les eaux étaient au plus bas, on enfile les néoprènes et nous nous jetons dans la flotte… Une fois atteint le véritable terminus du lac, nous avons la certitude qu’un siphon se trouve là-dessous… Nous savons également que personne n’était encore arrivé jusqu’ici. Romain notera un gros vide sous la paroi finale. Il découvrira également, alors que nous explorions chacun de notre côté divers départs, la jonction du lac après l’aval avec celui du pseudo-terminus de la galerie ; ce qui permettra, dans un futur, de plonger sans avoir à passer par le ressaut, la longue cheminée et descendre le puits d’une quinzaine de mètres avec tout le portage.
Et bien sûr, les jours suivants, on émet des hypothèses, on synthétise, on rêvasse, on suppute, on fantasme, on… SA RACE, MEC, FAUT Y RETOURNER !
Romain rentre en contact avec un spéléoplongeur… Il lui envoie le lien de la vidéo « Le Lac des Trois » et diverses docs. Il est intéressé. De mon côté, je farfouille sur le net et me rends compte que le plongeur, Nicolas, malgré son jeune âge, n’est pas un rigolo : il a à son actif de sacrées plongées ! Le jour du plouf-plouf est rapidement planifié : ce sera le samedi 1er mars.
Mais de l’autre côté, nous avons les louveteaux et un rhinocéros qui vont s’attaquer à une désob dans la partie amont cette fois : lors d’une sortie en binôme, Maïwenn et Cléa étaient tombés, après la petite salle des clowns, sur un vide au-dessus d’une coulée de calcite. Derrière : un tout petit espace tout noir ! Ils avaient envie de passer… Ils avaient envie d’une première… Ils avaient envie de… de spéléo, quoi !
Du coup, nous formerions deux équipes : celle du Lac et celle de la salle des clowns ; en bout de galerie secondaire et parallèle à celle de la partie amont…
Je ne sais pas si on imagine ce que c’est que de descendre plusieurs perforateurs, les batteries, les massettes, le pied de biche, les burins, l’eau, la bouteille d’oxy, les cordes, les mousquetons, etc. Et nous avons la chance de ne pas avoir à transporter tout cela sur des kilomètres, comme cela peut arriver dans certains réseaux…
L’entrée est équipée ; la dame de Nico, qui attend un heureux événement, ne descendra pas… Patrick restera également dehors. Nous descendons : premier puits qu’on peut descendre en tongs, deuxième puits un peu plus retors… Une fois en bas, le groupe des louveteaux et du rhinocéros part côté amont faire leur désob. Ah, il y a aussi Romain qui part avec eux…
Le groupe des Niphargus Déchaînés et mézigue, nous nous dirigeons vers l’aval…
Une fois arrivés, nous montons sur l’espèce d’île d’argile qui précède le passage du lac vers celui de l’après-aval. Nicolas enfile sa néo, remet par-dessus sa combi spéléo, accroche ses deux bouteilles d’oxy*, ses détendeurs, sort son dévidoir de fil d’Ariane et s’enfonce dans l’eau. Je regarde et filme ses lumières qui se perdent sous la paroi… Je suis là comme une glandouille, j’aimerais trop y aller aussi ; mais pas de matos pour, ni l’expérience (les Catalans m’ont invité pour une formation plongée en avril… Yep !).
Nous attendons autour du lac le retour de Nicolas. Je l’imagine seul, avec juste les bulles d’air perçant le silence… Seul entre les blocs et parois rocheuses, respirant doucement pour économiser au maxi l’oxy… Il est seul, et personne ne pourra rien pour lui si une catastrophe devait arriver ; il le sait de toutes manières, et dans ces conditions chaque mètres qu’il parcourt est une première gigantesque…
Lorsque Nico refait surface au bout d'un quart d’heure ou peut-être juste un peu plus et après avoir dévidé les 30-40 mètres restant de fil d’Ariane dans le siphon, il ressort, ne dit rien, laisse le suspense, il le sait le salaud… Impassible, il tripote je ne sais plus trop quoi, puis lève la tête : Silence… Puis :
- « Ça continue ! » qu’il dit.
- « J’ai dû arrêter car je n’avais plus de fil !
»
Je ne montre rien, mais une vague de plaisir et de joie inonde toutes mes veines ! Putain, je le savais que ça continuait, qu’il y avait quelque chose après, derrière, là-dessous… Je pense aussi aux anciens qui l’avaient entièrement pressenti, le savaient…
Nous repartons en direction des louveteaux. Nico sort rejoindre Nadja, Charles, Ronan et Amandine des Niphargus resteront quelques temps avec l’équipe 2 en observateurs, puis remonteront aussi vers la sortie. Quant à ma pomme, je reste avec le Rino et les louveteaux, et Romain du SRSASR…
Je reste épaté par la rage ou la motivation qu’ils ont tous à vouloir progresser par le boyau infernal qu’ils franchissent et refranchissent je ne sais combien de fois à chaque éclatement de roche… Rino (Pascal 2) travaille également comme un forcené à péter la roche pour agrandir le boyau infâme, et dans des positions incroyables, inhumaines presque…
Au bout de plusieurs heures de travail acharné, Cléa prend une pause, elle est à plat : 19 ans, la mistonne, et elle bondit à nouveau dans le boyau lorsqu’au loin elle entend : - « Ça passe ! » Ils ont le sang de la spéléo, pas la touristique, non, mais celle de l’aventure, de la découverte, de l’exploration – la soif, le désir, le besoin de découvrir de nouveaux territoires vierges de tout passage humain, besoin de se dire : - « Putain, nous sommes les premiers à mettre les pieds là-dedans ! » Le plein plaisir de regarder des concrétions fabuleuses que personne n’a encore jamais observées… Avancer au-devant de l’inconnu : quelle sensation vertigineuse ! Ils rêvent de salles gigantesques, de méandres immenses, de concrétions à se péter les rétines…
Romain a du mal à passer le boyau qui mène à la salle des clowns, il faut dire que c’est du sévère comme étroitesse, mais il y va, ahane, souffle, gueule, peste, mais il passe… Lorsque Rino se fout de lui en lui disant : - « Oh, le Gros, ça va ? » Il chouine, le mec du SRSASR ! Romain, c’est le genre de gars qui voudrait faire passer un hippopotame dans une tête d’aiguille à coudre… et le cojonudo de tout ça, pour le dire en espagnol, c’est qu’il y parvient le bougre !
Bref, tout le monde s’acharne à péter de la roche ici et là. Julien a les os qui grincent, mais il ne s’arrête pas pour autant. Quant à Maïwenn, c’est le plus étrange : il semble n’être jamais fatigué, il ne se plaint pas, tu te demandes d’ailleurs s’il est là… Il a même le don d’homme caoutchouc, mais bon, ça c’est un truc entre Cléa et moi, c’est plus de l’ordre de la Marvel que de la spéléo… Bref, Maïwenn, tu le remarques simplement parce qu’il est toujours devant et que t’es obligé de lui dire de ralentir… Ouais, on dirait qu’il n’est jamais fatigué, une espèce d’extraterrestre sans système nerveux, juste de la sève pour l’alimenter !
Puis, tout à coup, les heures passant rapidement, les louveteaux remarquent que leur désob tire sur la droite ; c’est-à-dire en direction de la galerie principale : mauvaise limonade, ça ! Effectivement, nous nous rendons compte que ça tombe quelque 50 mètres plus loin. Nous observons un petit passage calcaire, au ras du sol, et qui, fût un temps, avait attiré mon œil ; un passage étroitissime dans lequel on peut voir les débris de la désob… Ils sont déçus, je comprends, mais en même temps, comme je le dirai plus tard à Romain en pleine dépré : « ... je vais te dire, poto, pour moi ce n’est pas une déception, vous avez accumulé de l’expérience, et cela vaut autant qu’une première : l’expérience, mec, c’est un trésor ! »
Nous sortirons à une heure pas possible : 22h15, je crois…
Au local, les gars et filles du Gang des Niphargus Déchaînés se réchauffent auprès du feu de cheminée. Nous discutons un peu, on zieute la vidéo du siphon sur l’ordi de Nicolas… Et ce que l’on peut voir, c’est une galerie noyée très large et qui continue, continue, continue… Je n’ai aucune idée du volume d’eau qu’il peut y avoir entre le lac et le siphon, mais c’est, à mes yeux, colossal ! (En gardant toute relativité, bien sûr).
Le lendemain, je retourne au local en début d’après-midi. Le groupe des GND vient de sortir de La Trayolle. Ils mangent sur place au parking. Toto (moi) se tape une crêpe au Nutella que lui propose un des membres… Il n’est pas impossible qu’ils reviennent très bientôt ; ce qu’il y a là-dessous est intéressant pour tout le monde… J’ai hâte ! A vrai dire, si je pouvais me faire greffer des poumons de dauphin, j’y retournerais bien en mode Jacques Mayol, mais… on attendra hein ! ON ATTENDRA BORDEL !!!
*) Oxy' dans ce cas il s'agit simplement d'air comprimé, pas d'oxygène pur...
(Photos P.Cabrol)
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Photo GND |
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